Des vacances dans des vacances ou une semaine de margoulin à Kangaroo Island
Après quinze jours de Wwoofing au sein de la famille Armstrong, le contact passe plutôt bien, si bien que Susanne la mère de famille, qui avait déjà planifié ses vacances, me propose de l’accompagner à Kangaroo Island pour une semaine. Les enfants étant grands et Bruce, le mari, plutôt casanier, c’est tous les deux que nous partons direction l’ile aux Kangourous. Véritable amoureuse de l’île, Susanne y passe régulièrement ses vacances. Elle compte sur l’île de nombreux amis qui se font une joie de nous accueillir.
Un peu surpris par l’invitation dans un premier temps, je ne traine pourtant pas à accepter ce qui ressemble déjà à un très beau cadeau pour tout jeune voyageur avide de découvrir l’Australie loin des sentiers balisés pour touristes. Quatre heures de voiture et un Subway picoré plus tard, nous voilà prêt à prendre le bateau. Un panneau m’apprend qu’il est interdit d’amener un renard sur l’île. C’est dommage j’avais commencé à bien sympathiser avec deux ou trois goupils à la buvette, les adieux sur le quai sont déchirants… Bref, une heure de bateau plus tard, me voilà près à poser le pied sur l’île . Les vacances, ou plutôt les vacances dans les vacances peuvent commencer !
J’irai dormir chez vous.
À peine arrivés, direction la maison de Neil Sheppard et de sa femme qui nous accueillerons pour deux jours. Pouvoir dormir chez des habitants de l’île est une chance incroyable. Neil a construit lui-même sa maison en pierre de taille dans un cadre superbe.
Neil a du talent, il est également artiste peintre et connaît un succès certain depuis plusieurs années. Comme je sens que vous voulez en savoir un peu plus je vous ai dégoté une petite vidéo. Elle présente Neil et son travail depuis son atelier colé à la maison. Et pour faire une pierre deux coups, vous pouvez également apprécier en image la maison et le cadre plutôt agréable dans lequel j’ai passé ces deux nuits.
Voilà donc avec qui j’ai eu notamment la chance de faire du Kayak dans la baie en face de la maison ou encore partager une petite session guitare en chantant le légendaire « Waltzing Matilda » véritable hymne pour tous les Australiens.
Puis c’est ensuite au tour de Peter et Mary de nous accueillir dans leur ferme isolée au sud-ouest de l’île. Autour de la soixantaine chacun, ils sont adorables comme tout. Mary est au petit soin et Peter le sourire toujours aux lèvres n’est pas avare de petites vannes et est très bon publique quant aux miennes. Dans ces cas là le courant passe très vite.
Installé dans la salle à manger pour le goûté, j’aperçois un accordéon diatonique dans le salon. Intrigué je demande à Peter si il sait en jouer. Il m’explique en éclatant de rire que non pas vraiment, qu’il l’a acheté il y a longtemps à un vieux monsieur lors d’un voyage en Tasmanie. Puis me regarde avec un grand sourire et me demande « Tu sais en jouer? ». À peine avais-je acquiescé de la tête que je suis sommé de jouer quelque chose.
« Allez, Il attend ça depuis 30 ans! » me lance t’il. Pressure on me. Ce que je n’avais pas mentionné c’est qu’après avoir tâté de la touche nacrée plusieurs années durant ma tendre enfance, j’avais totalement mis de côté l’instrument à vent pour celui à cordes. C’était donc le moment du come-back après 12 ans d’absence. La concentration est au maximum pour tenter de raviver quelques souvenirs bien maigrichons. Allez tant pis je tente un truc, et puis comme disait Kennedy « faut pas se laisser abattre ! ». Pour les connaisseurs, je fais péter un Cercle Circassien (dédicace à Léo).
Allez c’est parti ! Bon je frôle la catastrophe d’entrée mais ma main gauche surprend son monde en claquant quelques basses bien senties étouffant à peu près les ratés de la mélodie interprétée par sa consœur, la main de droite. Tout cela semble suffire à un publique bien amical, séduit sans doute par la French touch du morceau. J’oblige alors Peter à jouer la comédie pour une photo souvenir.
Côtoyer des locaux c’est aussi pouvoir profiter de toutes leurs histoires. Et pour ça Peter est un très bon client . Il ne tarde pas à me surprendre en plaçant la tête d’un crocodile dans mon dos. La bête a été rapportée du Queensland il y a 40 ans au tant où il travaillait dans une « Outback Station », immense ferme à bétails à l’intérieur des terres.
Bien qu’à l’état de squelette, la tête de l’animal reste impressionnante. Elle doit bien faire 30 kg et l’épaisseur des os est massive. Peter sourit en me montrant la place du minuscule cerveau. Il m’explique quelle précision il a fallu pour atteindre cette petite « mandarine » et ainsi avoir une chance de récupérer l’animal qui restera flotter à la surface. En effet, pour info si toute autre partie que le cerveau est touchée, le crocodile a le temps de replonger et si jamais il meurt, il restera au fond de l’eau. Bon courage ensuite pour aller le chercher !
Il est temps d’aller se coucher, Peter replace alors la tête à sa place, c’est-à-dire dans sa chambre…
Escale en Bretagne.
C’est parti pour une ballade en Bretagne, à Cap du Couëdic exactement, non loin de Cap Kersaint.
Et là vous vous dite, « mais t’es complètement chabraque tu nous prend pour des jambons ou quoi ? »
Et bien non pas tout à fait, et c’est là que l’histoire devient passionnante. Allez remontons un peu le temps!
Nous voilà en avril 1802. La toute première flotte anglaise, composée de forçats et de soldats est arrivée il y a à peine 15 ans sur la côte Est de l’Australie. Quelques milliers d’hommes seulement composent cette première colonie qui se limite exclusivement aux alentours de Sydney. Les pentes raides des Blues Mountains qui entourent Sydney, forment une barrière infranchissable pour le moment.
Ainsi, le reste de l’Australie est encore totalement inconnu et peuplé exclusivement par les aborigènes. Ce manque de connaissance pousse les Britanniques a envoyer une expédition, dirigée par Matthew Flinders, pour cartographier les côtes australiennes. Ayant eu vent des intentions Britanniques, Napoléon envoie dans la foulée le Capitaine Nicolas Baudin effectuer le même travail pour la France.
Le hasard a voulu que les capitaines Français et Britannique se croisent à Encounter Bay, en face de Kangaroo Island, le 8 avril 1802. Bien que les deux nations soient en conflit, leur rencontre est pacifique et Flinders qui avait fait brièvement escale sur l’île, sans la cartographier entièrement, indique à Nicolas Baudin à quel point l’île est riche en Kangourous. Idéal pour nourrir un équipage en manque de nourriture fraiche. Voilà comment les Français du commandant Baudin se retrouvent sur l’île. Ils seront les premiers à l’explorer et à la cartographier.
Voilà pourquoi l’on retrouve encore aujourd’hui des noms à consonance française, voir Bretonne. Pour la petite histoire, le nom cap « du Couëdic », a été donné en hommage à Charles Louis du Couëdic, originaire de Pouldergat près de Douarnenez, qui fut officier dans la marine Royale sous Louis XVI et se distingua lors du combat de sa frégate, la Surveillante, contre le navire Britannique HMS Quebec, le 6 octobre 1779 au large d’Ouessant. Ce grand marin est également connu pour avoir habité … Quimperlé, et plus précisément le manoir du Lézardeau (en face de mon école primaire…), voilà pourquoi on trouve à Quimperlé la fameuse rue « du Couëdic ». Et oui c’est assez incroyable comme le monde est petit parfois ou plutôt « World is Small » comme on dit ici.
Sur l’île totalement déserte, aucun peuplement aborigène, les français ont laissé une trace de leur passage. Frenchman’s Rock. Une pierre sur laquelle ils ont gravé : « Expédition de Découverte par le commandant Baudin sur le Géographe 1803. » L’originale est toujours visible au centre d’information de l’île, ci-dessous.
Mais il semblerait que les français n’aient pas laissé que cette inscription…
Sur les traces de la mystérieuse grotte
Le lendemain, nous retrouvons Peter & Mary et leur petit-fils, Brennan, pour une randonnée dans un lieu choisi par leur soin.
Tout à fait à l’ouest de l’île, au bout du bout du Flinders Chase National Park, les autorités viennent tout juste d’aménager un chemin de randonnée. Au bout des sept kilomètres de chemin se trouve la Ravine des Casoars. Les français avaient été les premiers à y poser le pied depuis la mer, seul accès possible jusque là, et avaient baptisé ainsi le lieu en constatant la présence de « Casoars », un très gros oiseau faisant près d’un mètre soixante-dix de haut.
Sur le chemin, Peter, passionné par l’histoire de son île, ne manque pas de me faire part de la petite surprise qui nous attend au bout de la randonnée. Le capitaine français et son équipage avaient jeté l’encre près de la petite plage au bout du chemin puis étaient rentrés dans une des grottes qui s’y trouve et y avaient inscrit un message qui reste inconnu à ce jour. C’est en tout cas ce que les vieux de l’île racontent.
Mais avant tout ça il fallait marcher.
L’excitation de cette fameuse grotte ravivait en moi des rêves de gamin, d’histoire de grands voyageurs, de pirates, de grottes secrètes, de messages mystérieux gravés dans la pierre. Tout était réuni, et en plus quoi de mieux qu’un français pour lire les inscriptions laissées à la postérité par d’autres français il y a plus de 200 ans…
Après une heure et demi de marche on distingue enfin la mer et la petite plage enclavée.
Nous voilà arrivés devant l’entrée de la grotte.
Le temps de faire une petite pause, manger un morceau et on se prépare déjà à mettre les lampes frontales. Entrée dans la grotte imminente.
La grotte est relativement grande et très sombre. (Le Flash ne rend pas du tout cette impression)
Peter parfait dans le rôle de l’archéologue en herbe parvient à trouver quelque chose d’intéressant.
Le Flash se révèle soudain d’une utilité inattendue pour nous aider à déchiffrer les inscriptions.
On analyse chaque recoin du mur, pour trouver la bonne date, le bon nom. Mais d’autres marins, chasseurs de phoques notamment, ont copié les français en inscrivant également leurs noms tout au long du XIXe siècle. Si tous ces gens ont concentré leurs signatures sur cette paroi bien précise, c’est sans doute que l’original devait s’y trouver. La roche étant totalement friable, la gravure originale s’est sans doute peu à peu effacée pour devenir complètement invisible.
De retour dans la maison de Peter et Mary, nous comptons sur les photos avec flash pour nous aider à y voir plus clair. Mais après avoir analysé méticuleusement, une heure durant, tous les clichés sur mon ordinateur, Peter et moi devions nous rendre à l’évidence, si quelques vieux habitants de l’île avaient pu lire quelque chose il y a une cinquantaine d’années, nous arrivions trop tard. Le mystère reste donc entier. L’avenir nous dira peut-être un jour, avec des appareils plus sophistiqués, ce que Nicolas Baudin et ses hommes avaient voulu nous dire.
L’île des animaux
Kangaroo Island est un véritable sanctuaire pour les animaux. On trouve par exemple à Seal Bay, une des rares colonies de phoques australiens.
Après avoir chassé pendant une dizaine de jours à plus de 100km de cette même plage, les phoques reviennent s’y reposer. Ils sont d’ailleurs nés et mourront, si les requins sont sympas, sur la même plage.
L’île est aussi pour moi l’occasion de voir pour la première fois des Koalas à l’état sauvage. Peter et Mary ont d’ailleurs quelques spécimens qui viennent régulièrement dans les eucalyptus de leur grande propriété.
Le koala n’est pas tout à fait ce qu’on pourrait appeler un monstre de travail, il dort en effet à peu près 20 heures par jour…
On trouve aussi quelques Pélicans que j’ai d’ailleurs pu observé en Kayak.
Ou encore une rencontre assez insolite entre un kangourou et un iguane entre deux buissons.
Et en bonus Michael Jackson la mouette qui m’a fait un show d’enfer sur la plage.
Une île magnifique
Kangaroo Island est avant tout une île magnifique, et pour vous en convaincre voici quelques clichés pris durant cette semaine de rêve.
Après 6 jours passés sur l’île et il est temps de partir. Peter profite de mes dernières minutes pour noter phonétiquement comment se prononcent dans la langue de Molière tous les noms français de l’île. Il jubile déjà à l’idée de briller auprès de ses amis en reprenant leur prononciation approximative. Puis il est déjà temps de retrouver le continent. Posté à la proue du bateau, je réalise encore une fois à quel point j’ai été chanceux de vivre tout ça. Et puis le côté plutôt agréable du concept « vacances dans des vacances », c’est que quand tu rentres de vacances, ben t’es encore en vacances !
Merci d’avoir lu l’article et à bientôt !
Lény
PS : Un peu de pub pour les copains :
- Âmes sensibles s’abstenir mais si vous aimez la glace au boudin et Bukowski vous pourriez vous régaler : http://deuxbretonsenslipkangourou.tumblr.com/
- Vous aimez la photo et les États-Unis? Cet homme là va vous combler. Appareil photo sous le bras il est en ce moment quelque part entre Paris et Boston : http://www.flickr.com/photos/tib0/
Excellent ! Superbe article comme toujours et des photos qui donnent envie de te rejoindre. Merci de m’avoir fait découvrir le concept de woofing. J’suis curieux de savoir comment ça marche dans les détails. Amuse-toi bien.
Ravi que ça te plaise Matthieu, mon prochain article devrait être justement consacrée à mon expérience de Wwoofer. Tu sauras tous les détails de ce chouette concept! Bonne chance pour la Corée et la bise à toute l’équipe CMW!